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Repères contre le racisme, pour la diversité et la solidarité internationale

La gauche et les musulmans, dans l’angle mort de l’état d’urgence ( Malika As-Sabah)

13 Juillet 2016 , Rédigé par Repères anti-racistes Publié dans #Quartiers populaires, #Société française, #Islamophobie, #Libertés

Une guerre culturelle a lieu en France. Déclarée par Manuel Valls et orchestrée par des think tanks, bien avant la mise en place de l’état d’urgence, elle est menée contre les musulmans résidant en France. On aurait pu s’attendre de la part d’un Premier ministre socialiste que la bataille idéologique prioritaire soit menée contre la droite ou l’extrême droite. Force est de constater que ce n’est pas le cas.

« C’est quoi aujourd’hui les priorités dans cette société ? Bien sûr l’économie, le chômage, mais qu’est-ce qui est aujourd’hui essentiel ? C’est la bataille culturelle ! C’est la bataille identitaire. Parce que si nous ne gagnons pas cette bataille, le reste ne comptera pas. Le reste sera balayé. »

C’est ainsi que, le 4 avril dernier, au colloque Le Sursaut, initié par la Fondation Jean-Jaurès, la Fondation pour l’innovation politique et l’American Jewish Committee Europe, Manuel Valls a déterminé ses priorités politiques : « C’est la bataille culturelle ! C’est la bataille identitaire ». Et non la politique économique et sociale de son gouvernement, symbolisée par une loi Travail, dont les sondages n’ont cessé de mesurer un rejet majoritaire massif depuis le mois de février.
Moins de dix jours plus tard, le locataire de Matignon précise son offensive à destination de la gauche. Le 13 avril, Libération publie une interview du Premier ministre. Depuis qu’il a été nommé chef du gouvernement, deux ans plus tôt, c’est la première fois que Manuel Valls accorde un entretien au quotidien emblématique de la gauche culturelle. À la question : « Vous dites désormais que la question “identitaire” est première ? » , le Premier ministre enfonce le clou : « Les questions économiques et sociales, la question du chômage, sont cruciales. Mais effectivement, la question culturelle est fondamentale. Il y a une interrogation plus profonde dans notre pays sur l’ouverture au monde ou sur la place de l’islam… »

Le signal premier que Manuel Valls entend ainsi adresser à son électorat de gauche est sans ambage : la question culturelle est fondamentale. Dans ses discours politiques, les ennemis qu’il désigne sont « les salafistes », mais dans la pratique politique ce sont les musulmans, dans leur ensemble, qui sont pris pour cible. Si cette obsession n’est pas nouvelle, elle se précise en stratégie de communication délibérée à l’approche de l’échéance présidentielle. Il y a un an, le 22 juin 2015, le Premier ministre avait clairement indiqué sa ligne, son choix, sa cible privilégiée : « L’islam sera un enjeu électoral », lors d’un forum sur la République et l’islam.
Depuis l’application de l’état d’urgence qui ont suivi les attentats du 13 novembre 2015, la mobilisation d’une partie de la gauche contre les nouvelles mesures autoritaires se fait essentiellement sur des questions de principe : libertés publiques, militarisation de l’espace, société de surveillance, neutralisation de la contestation sociale… Qu’il s’agisse des « frondeurs » du PS, ou des militants EELV, PG, PC, des syndicalistes et des associatifs de la gauche radicale, la gauche contestant l’état d’urgence ne le condamne que dans des termes où elle se sent directement impliquée, où elle se pense comme l’unique cible, comme on a pu le voir durant la COP 21 avec l’interdiction de manifestations et les assignations à résidence, alors dénoncées par cette même gauche.

Or cette analyse ignore délibérément les premières cibles de l’état d’urgence : les musulmans en tant que tels, indépendamment de leurs actes individuels. La gauche militante « traditionnelle » n’étant, dans un premier temps, qu’une cible collatérale. En effet il faudra attendre la mobilisation des migrants le 22 novembre et contre la COP 21 et sa violente répression le 29 novembre sur la place de la République, à Paris, pour assister au déploiement en force des mesures de l’état d’urgence contre des militants écologistes et de la gauche radicale.

Pourtant, pour l’essentiel, les perquisitions administratives ont concerné dans leurs quasi-totalités des lieux de culte, des sièges d’associations, des restaurants musulmans ou les domiciles de musulmans ou présumés comme tels. Or. Dans son ensemble, le bilan opérationnel antiterroriste est ridicule : 3 579 perquisitions administratives ont été effectuées, aboutissant à seulement six procédures judiciaires pour infractions terroristes, entrainant une seule mise en examen, en date de mars 2016. Soit un taux d’erreur dans les cibles désignées de 99,97 %. Bon nombre d’observateurs, de chercheurs et de magistrats ont souligné la disproportion entre les interventions policières ordonnées et leurs résultats. En somme, ces opérations obéissent avant tout à des impératifs politicien et médiatique, et non aux objectifs de la lutte antiterroriste.

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