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Repères contre le racisme, pour la diversité et la solidarité internationale

Les « racismes intercommunautaires » Origines, instrumentalisations et repères pour les combattre (Saïd Bouamama)

9 Mai 2018 , Rédigé par Repères anti-racistes Publié dans #Racisme, #Antiracisme politique

Intervention au Bandung du Nord du 5 mai matin

Saïd Bouamama

Une des caractéristiques de la séquence historique présente est l’irruption de la question des dits « racismes intercommunautaires » dans le débat militant des populations issues de la colonisation et plus largement des populations racisées mais également dans le paysage médiatique et politique global. La force et la rapidité de cette irruption est, selon nous, issus d’une dualité de motivations pour poser cette question nécessaire et incontournable. Une première motivation vient de notre camp, celui des dominés qui ont un intérêt objectif à débusquer tous les facteurs de divisions.  Une autre motivation vient de nos adversaires qui tentent d’instrumentaliser cette exigence légitime afin de neutraliser les prises de conscience du caractère systémique du racisme et de son lien avec les processus de production et de reproduction du capitalisme d’une part et de son extension internationale par l’impérialisme et le néocolonialisme d’autre part.

  1. Se poser pour le dominé c’est s’opposer au dominant

Les postures de réponse à cette question nécessaire et incontournable  auront des conséquences importantes en termes d’unification ou au contraire de divisions de nos combats présents et futurs.  Soulignons d’emblée trois postures déjà rencontrées dans l’histoire de nos lutte au niveau international (dans le mouvement de libération nationale des décennies 50 et 60 de Bandung à la Tricontinentale ou dans la question du rapport entre les communautés noires et latinos aux Etats-Unis) ou au niveau français depuis la marche pour l’égalité de 1983 :

La posture du déni: Elle consiste à nier l’existence même du problème ou de la question. Celui-ci et/ou celle-ci ne serait qu’un débat imposé à des fins de division. Il et elle ne correspondrait à aucune réalité matérielle et sociale. Nos « communautés »  seraient immunisées par on ne sait quel miracle de tout préjugés, de toute démarche hiérarchisante et de toute chosification de l’autre.  Cette posture idéaliste reconstruit un sujet « pur » qui serait par essence vacciné par son origine contre le racisme. Elle occulte la nécessaire médiation par la conscientisation politique pour qu’émerge un tel sujet.

La posture de l’équivalence: Cette seconde posture est l’exact inverse de la précédente. Elle consiste à mettre sur le même plan ces racismes dits « intercommunautaires » et le rapport social raciste dominant. Ce faisant ce qui est nié c’est que les premiers sont surdéterminés par le second. Ce faisant ce qui est occulté c’est la dimension systémique du racisme. Ce faisant ce qui est brouillé c’est l’image même du dominant. Frantz Fanon nous avertissait pourtant déjà en 1956 dans « racisme et culture »  en disant que : « « Le racisme n’est pas un tout mais l’élément le plus visible, le plus quotidien pour tout dire, à certains moments le plus grossier d’une structure donnée. » Comme pour d’autres oppressions nous payons dans cette posture la négation des dimensions systémiques qu’ont imposée les approches dites postmodernes. Pour paraphraser Marx nous pourrions énoncer : à qui profite le crime en dernière instance ?

La posture bisounours : Cette troisième posture consiste à reprendre les termes du débat imposé par l’agenda et l’intérêt des classes dominantes. Elle est issue d’une occultation ou d’une sous-estimation de la dimension de réaction idéologique néocoloniale de notre séquence historique. Cette réaction idéologique ne plane pas seule sur le plan des idées mais accompagne une réaction matérielle au plan international comme national. Sur le plan international la réaction idéologique accompagne et tente de légitimer depuis plusieurs décennies un nouveau cycle de guerre coloniale pour la maîtrise des matières-premières stratégiques et des hydrocarbures. Sur le plan national la réaction idéologique accompagne la tentative de museler les populations dominées et à entraver leur organisation. Il suffit de parcourir rapidement le net pour s’apercevoir que de nombreux sites de droites et d‘extrême-droite parlent abondamment de « racisme intercommunautaires » avec des logiques édifiantes comme : « ceux qui se plaignent de racisme sont eux-mêmes racistes » ; « ceux qui dénoncent la colonisation sont en train de nous coloniser » ;

Proposons deux premières conclusions :

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