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Repères contre le racisme, pour la diversité et la solidarité internationale

Paroles de Palestine 1999 : Agir pour les deux sociétés

30 Janvier 2011 , Rédigé par Repères anti-racistes Publié dans #Palestine

Paroles de Palestine 1999 : Dossier complet

Sergio Yahni

Centre alternatif d'information Jérusalem-Bethléem

colombe-drapeau.jpgOrganisation bi-nationale, le Centre alternatif d'information Jérusalem-Bethléem a été créé en 1984 à une époque où tous ceux qui avaient des contacts avec des « activistes palestiniens » pouvaient être poursuivis et condamnés. Nous tentons de prendre en considération les intérêts, les utopies des deux sociétés, tout en restant attentifs à ce qui se passe dans la nôtre. Nous essayons d'être à la frontière, mais sans jamais la traverser. En rejetant notre « israéliennité », nous rejetterions aussi nos possibilités d'influer sur la société israélienne. Alors qu'aujourd'hui entre les deux parties se développent des collaborations économiques, sans oublier celles entre services de sécurité, notre but est d'analyser la nature de ces collaborations, et de créer un réel dialogue sur la question des terres, du statut des travailleurs, de l'origine des investissements avec ceux que nous considérons comme les victimes de l'Etat d'Israël, en prenant en considération le point de vue de l'opprimé. Par nos publications respectives, nous essayons de mieux faire connaître la société de « l'Autre ». Outre une plate-forme de discussion pour les militants de chaque société, nous voulons créer un réel dialogue entre eux.

Des images trompeuses.

La société juive israélienne est divisée cliniquement, les immigrants du Proche-Orient et d'Afrique du Nord (Mizrahis), majoritaires, formant pour une grande part les classes inférieures. Si vous observez uniquement le processus politique, vous direz que, votant Likoud, les Mizrahis soutiennent la droite, alors que les Ashkénazes, votant travailliste, sont plus à gauche et davantage pour la paix. Mais c'est oublier que la population mizrahie a été lourdement opprimée culturellement et socialement durant l'époque travailliste. En Israël, 75 % de la population gagne moins que le revenu minimum reconnu par l'Etat. Vue au travers du seul prisme politique, l'élection de Nétanyahou donne l'impression que la majorité des Israéliens ont voté contre la paix, mais en vérité ce fut essentiellement un vote pour leurs intérêts sociaux et même ethniques. A regarder le processus d'Oslo toujours du seul point de vue politique, vous diriez « ce processus n'est pas très juste, mais au moins il représente une avancée pour la paix ». Si vous le considérez du point de vue social, vous verrez d'un côté les bouclages en Cisjordanie et à Gaza avec une moyenne de chômage de 30 %, qui peut atteindre 5 0% dans certaines régions ; et de l'autre, en. Israël, des usines qui, la paix venue, délocalisent en Jordanie, où les salaires sont plus bas, comme c'est le cas de l'usine textile de Soleroth. Comment s'attendre dans alors à ce que les gens soient pour la paix ?

Une société démobilisée.

Depuis une vingtaine d'années, de gros bouleversements se sont opérés dans la société israélienne : les jeunes vivent pour eux-mêmes et non plus pour l'Etat, comme en Europe de l'Est. Pour ces nouvelles générations, rien n'a de valeur et le cynisme se développe. Avant, il y avait le sionisme, l'État que l'on était prêt à défendre militairement, et qui en échange garantissait une sorte de Welfare système. Ce n'est plus le cas. C'est là la première rupture de l'accord entre l'Etat et les citoyens. Une autre rupture s'est faite au début de la guerre du Liban, Ménahem Begin déclarant : « Nous avons un autre choix, mais nous préférons la guerre », alors qu'envoyer la jeunesse à la guerre avait toujours été présenté comme le recours ultime pour survivre. Lentement tous les codes sacrés du sionisme ont commencé à craquer. Tout le système de références (éthique du travail, lutte, pour la survie de la communauté, etc) s'est écroulé, sans création d'une idéologie de rechange. C'est au milieu de cette crise qu'une nouvelle génération de chercheurs s'est penchée sur la période 1948-1956 mettant à jour une histoire différente de l'histoire officielle.

Replis communautaires.

Face à ce vide idéologique, le retour à la tradition, la rejudaïsation, le mysticisme, sont en hausse comme l'est le pouvoir des gourous, des rabbins, des leaders communautaires, le New Age progresse dans la classe moyenne. La contradiction entre le capitalisme et le sionisme devient plus aiguë. Face à un Etat toujours plus libéral économiquement, les gens ont commencé à chercher leur sécurité matérielle, sociale, dans les réseaux communautaires. Le développement du parti orthodoxe Shaas s'explique par sa prise en charge gratuite des activités post-scolaires. Dans leurs écoles, de nombreux cours d'éducation religieuse et « civique » sont dispensés. Le sentiment se développe alors chez les parents que Shaas représente la vieille tradition biblique de don et de charité, que la meilleure

réponse à la crise se trouve dans la tradition, Dieu, la religion. Electoralement, Shaas a profité de son « action » : 4 sièges au Parlement en 84, il en occupe 17 aujourd'hui. Les juifs orientaux ont leurs propres liens communautaires et préconisent le retour aux valeurs anciennes. Il y a des communautés arabes, marocaine, caucasienne ... Les Russes ont leur propre parti. Toutes les discussions tournent aujourd'hui autour de la communauté et non du politique. Et cela s'accompagne même parfois de violences intercommunautaires.

Le problème n'est plus de mettre en place une stratégie pour la paix, mais de savoir de quelle manière moi, en tant que Caucasien, par exemple, je pourrai obtenir quelque chose de cette paix. Israël est devenu un pays légalement corrompu. L'État soudoie les politiciens de ces différentes communautés afin de mettre sur pied un gouvernement viable et garder le pays uni. Rien ne peut être fait sans offrir des emplois ou des ministères. L'argent est donné aux partis au lieu d'être distribué par l'intermédiaire d'un système d'aide sociale. Ainsi Barak donne le ministère de l'Intérieur au parti russe qui remplace tout le personnel du ministère par ses propres gens. C'est devenu un État clientéliste. Une partie du pouvoir des politiciens réside dans la possibilité qu'ils ont de conserver leur clientèle et ils ont besoin de l'État pour la garder.

Les Israéliens ont cessé d'être Israéliens : ils s'identifient de plus en plus à leur communauté ethnique. Un processus analogue d'identification, mais qui lui repose sur un fond religieux, se constate également parmi les Palestiniens. Chrétiens ou musulmans, ils cherchent une solution immédiate dans leurs religions. Plus dangereux encore, dans cette société, que la division religieuse, c'est l'arrivée depuis les Etats-Unis de sectes très sionistes qui ont une sorte de relation mystique avec Israël, le Messie ...

Tout cela a de profondes répercussions sur les relations israélo-palestiniennes. Alors que chacun se démène dans son coin, comment avoir une vision globale et unifiée des relations israélo-palestiniennes ? Construire une solution ou une utopie commune devient très compliqué. Mais de l'extérieur, on ne voit pas toutes ces tensions communautaires cachées, ces contradictions internes. On voit, de la question israélo-palestinienne, surtout ce qu'en disent les politiciens, ce que disent Barak et Arafat.

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