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Repères contre le racisme, pour la diversité et la solidarité internationale

Une mesure urgente : l'interdiction de la clé d'étranglement

31 Mai 2012 , Rédigé par Repères anti-racistes Publié dans #Police Justice

Alors que des changements de responsables sont opérés dans la haute administration policière, il n'est pas inutile de rappeler que l'interdiction de la clé d'étranglement reste une revendication toujours d'actualité et qui pourrait être satisfaite sans délai par le ministre de l'Intérieur.

C'est cette technique d'immobilisation qui avait été employée par les policiers de Grasse et qui avait entraîné la mort d'Hakim Ajimi.

Nous reproduisons ci-dessous l'intervention de Dorsaf, membre du Comité Vérité et Justice pour Hakim Ajimi, lors du 4ème anniversaire de la mort d'Hakim, intervention  qui garde toute son actualité et qui présente plus largement des revendications qui se doivent d'être prises en compte rapidement, si ce n'est à désespérer encore plus la jeunesse des quartiers populaires.


Quatrième anniversaire de la mort d’Hakim Ajimi

Intervention de Dorsaf (Comité de soutien)


Ajimi2012manif05b.jpgIl y a quatre ans jour pour jour, Hakim Ajimi était tué par des agents de la BAC – victime d’une clé d’étranglement qui allait durer de longues minutes et qui allait entraîner sa mort et à ce titre il n’est pas inutile de rappeler que le médecin qui remet en question les causes de la mort de Hakim est le même qui a signé l’expertise médicale, qu’il l’a approuvée et ce alors même qu’elle relevait les indices et les preuves scientifiques qui attestent qu’Hakim Ajimi est mort d’asphyxie mécanique due à la clé d’étranglement que les policiers Walter Lebaupin et Jean Michel Moinier ont exercé sur lui alors qu’il se trouvait à terre et menotté.

Au delà de la clé d’étranglement, il n’est pas inutile également de rappeler qu’Hakim a subi aussi un véritable passage à tabac, c’est ce qui ressort des procès verbaux qui établissent que les agents de police, lui ont asséné plusieurs coups et ce en présence de nombreux témoins. Il est ressorti durant l’enquête et durant le procès que les policiers ont commis, pour reprendre les paroles mêmes du juge, des actes barbares sur Hakim Ajimi. La CNDS (Commission nationale de la Déontologie de la Sécurité) composée de magistrats, de commissaires, toutes personnes compétentes qui enquêtent sur les rapport de l’IGS (Inspection générale des Services) avait pour sa part remis un rapport accablant.

Aujourd’hui, après le procès qui s’est tenu du 16 au 20 janvier 2012, et alors que la vérité des faits a été clairement établie, ce que nous demandons, c’est qu’il n’y ait pas d’immunité pour les policiers et que les policiers coupables démissionnent et purgent des peines de prison ferme.

Pour le citoyen lambda des faits aussi graves que ceux reprochés aux policiers se traduisent par une comparution en Assises avec à la clé des peines allant jusqu’à trente ans de réclusion criminelle … pour les policiers responsables de la mort de Hakim, les peines sont de 6, 18 et 24 mois et qui plus est assorties de sursis ! Quant aux quatre agents de police secours qui avaient transporté Hakim sans lui prêter assistance, tous ont été relaxés. Une impunité flagrante.

Ce que nous demandons également aujourd’hui, c’est une moralisation du corps des policiers –aujourd’hui l’institution policière comme l’institution judiciaire doivent être irréprochables. Responsables de l’application de la loi, il est plus qu’impératif que ces institutions commencent par la respecter scrupuleusement, il en va de la confiance, du crédit que les citoyens portent à ces institutions.

C’est cette confiance qui fait gravement défaut dès lors que, malgré les promesses de monsieur Baudis, Défenseur des Droits, censé veiller au respect des règles de bonne conduite par les personnes exerçant des activités de sécurité sur le territoire de la République, aucune sanction n’a été prise à l’encontre des policiers de Grasse. Pourtant, monsieur Baudis avait annoncé le 16 février 2012 sur France 2, dans l’émission « Complément d’enquête » qu’il utiliserait son pouvoir d’injonction pour demander au ministre de l’Intérieur d’engager des procédures disciplinaires et de prendre des sanctions dans un délai d’un à deux mois à l’encontre des policiers coupables. Il avait précisé que si ses injonctions n’étaient pas suivies d’effet, il serait présent dans les procédures en justice. Aujourd’hui, l’échéance est arrivée à son terme et aucune réponse n’a été officiellement donnée. Si les agents de la BAC (Brigade Anti-Criminalité) responsables de la mort d’Hakim ne font plus partie des effectifs de la BAC, ils continuent cependant à travailler au commissariat de Grasse…Difficile à admettre lorsque l’on a connaissance des faits qui leur ont été reprochés lors du procès…

La gravité des faits ne les a néanmoins pas empêchés de faire appel de leur condamnation et les manifestations de soutien de la part de leurs collègues, qui ont suivi le verdict pourtant d’une clémence inouïe, ont quelque chose de vraiment déplacé…

Des manifestations de policiers en colère qui d’ailleurs aujourd’hui se généralisent dans toute la France, particulièrement pour la reconnaissance d’une « présomption de légitime défense » après la mise en examen pour homicide involontaire de l’un des leurs qui avait tué un jeune – immédiatement qualifié de multirécidiviste- en lui tirant une balle dans le dos comme l’a d’ailleurs confirmé l’expertise médicale.

La réaction des policiers et la mise en cause de magistrats, prêts à poursuivre des agents de la force publique pour homicide volontaire dès lors que la légitime défense ne peut être légitimement invoquée –sauf à la transformer en permis de tuer- sont des signes plutôt inquiétants, même si nous ne voulons faire aucunement injure aux policiers en les accusant de vouloir volontairement la mort d’une personne, mais dès lors qu’un policier a commis une faute, il doit assumer son acte et comme tout citoyen en assumer les conséquences. Dans bon nombre d’affaires dont la gravité ne peut être sous estimée puisqu’il s’agit de la mort de jeunes des quartiers populaires, ce n’est malheureusement pas le cas.

Aujourd’hui les policiers manifestent à Nice sur la promenade des Anglais, sur les Champs Elysées à Paris leur solidarité à leurs collègues, une solidarité qui par bien des aspects prend une allure de complicité. Et à ce stade, nous ne pouvons nous, citoyens, rester silencieux et plus particulièrement ici à Grasse. La mort d’Hakim nous hante encore pour que nous ne réagissions pas à la demande d’impunité qu’expriment les agents de police.

XXX

ajimi4ans.jpgAujourd’hui, à Grasse, nous sommes là pour manifester notre inquiétude devant la revendication de droit à la légitime défense à géométrie variable, extensible à l’extrême pour les forces de l’ordre dès lors qu’elles sont mises en cause et qui les mettrait à l’abri de toute poursuite judiciaire quelle que soit la gravité des faits dont elles seraient coupables.

Aujourd’hui à Grasse, nous sommes là pour exprimer notre détermination à voir la justice se manifester en toute circonstance et être rendue de manière égale pour tous.

Aujourd’hui, à Grasse, nous sommes là, quatre ans jour pour jour après le meurtre d’Hakim. Souffrance, sentiment d’injustice sont toujours présents d’autant plus forts que les coupables de cette mort atroce trouvent trop lourdes les peines qui les frappent alors que pour des faits mineurs les jeunes ont à subir la sévérité de condamnations de prison ferme, et sont traités souvent de manière indigne.

La présomption d’innocence et le recours à la présomption de légitime défense ne peuvent qu’accentuer chez les policiers le sentiment qu’ils bénéficient d’un traitement de faveur, d’une mansuétude qui ne peut que les déresponsabiliser. Si, depuis plusieurs années, un véritable permis de tuer avait été octroyé de manière non officielle aux policiers, aujourd’hui, alors que leurs agissements les plus graves ont été couverts, les policiers se trouvent encouragés à le demander officiellement ! Ainsi donc, paradoxalement, l’un des plus grands dangers auquel les citoyens devront faire face ne sera-t-il pas l’intervention d’un agent de police ?

 

Si pour le nouveau gouvernement, il n’est pas question de donner suite à la revendication policière de présomption de légitime défense, il nous faut espérer que nous n’aurons pas à rappeler ce positionnement aux nouveaux responsables en charge des affaires et à nous battre pour que le gouvernement ne donne pas satisfaction aux policiers sur cette revendication essentielle qui conduirait les policiers à se croire plus que jamais au-dessus des lois. Les risques de chaos sont évidents si pareille satisfaction était donnée aux policiers. Les émeutes de 2005 dans les quartiers populaires ne sont pas si lointaines et cette référence devrait agir comme un signal préventif.

Aujourd’hui, que les agents de police n’aient pas reçu la formation que nécessite leur fonction ou bien qu’ils ne bénéficient pas du service psychologique nécessaire ou bien qu’ils soient totalement incompétents n’est pas contestable. Leur rôle est de protéger les citoyens, qu’ils puissent avoir un véritable droit de tuer représente un véritable danger.

Aujourd’hui, à Grasse, c’est un « non » net, déterminé et résolu que nous opposons à cette « présomption de légitime défense » pour la police.

Ce combat ne doit pas nous faire oublier la mobilisation qui a été la nôtre et que nous devons poursuivre pour aller au bout de la démarche que nous avons initiée à Grasse dès les premières manifestations qui ont suivi la mort d’Hakim : la mise hors la loi de la clé d’étranglement. Sa suppression, comme dans plusieurs pays européens ou aux Etats-Unis, reste, comme au début, l’un de nos objectifs.

Pour le père d’Hakim, même si les responsables de mort de son fils étaient condamnés à de la prison ferme, ce combat pour la suppression de la clé d’étranglement continuerait néanmoins car, par delà le cas particulier de la mort de son fils, c’est un problème qui concerne tout citoyen. Comme il le dit, quelle que soit la peine infligée aux policiers, Hakim ne reviendra pas. Indissociable du combat contre l’injustice, le combat contre la clé d’étranglement mérite d’être poursuivi. Et ce combat, comme celui contre la « présomption de légitime défense », nous le mènerons tous ensemble jusqu’au bout.

(propos recueillis par Y.M et A.V 

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